Errare Humanum Est
Sagesse Arabe
L'illusion
C'est l'histoire d'un vendeur de chameaux qui traverse le Sahara avec sa caravane. Le groupe s'arrête et installe un campement pour la nuit. Les serviteurs sont chargés de planter des piquets dans le sable pour y attacher les chameaux. Un serviteur approche du maître et lui dit:
- Nous avons dix-neuf piquets pour vingt chameaux. Comment dois-je attacher le vingtième?
- Les chameaux sont stupides, répond le maître. Fais semblant d'attacher le vingtième et il ne bougera pas de la nuit.
Effectivement, l'homme fait semblant d'attacher le chameau à un piquet et celui-ci reste tranquille toute la nuit. Le lendemain matin, tout le monde s'apprête à reprendre le voyage, mais l'esclave retourne voir le maître et lui explique que tous les chameaux suivent, sauf celui-là.
- Tu as certainement oublié de la détacher, dit la maître.
- En effet.
L'homme fait alors semblant de détacher le chameau et celui-ci se met à suivre docilement le reste de la caravane.
in "Redécouvrir la Vie" - Anthony de Mello
On s'élève dans la vie à la mesure de ce que l'on donne, non de ce que l'on prend.
Khalil Taqui al-Dîn
Quelques jours avant sa mort, Saladin fit promener dans les rues de Damas le drap qui devait lui servir de linceul, et crier par un héraut d'armes:
- Voilà, de toutes ses richesses, ce que le grand Saladin, vainqueur de l'Orient et de l'Occident emporte dans la tombe...
Pierre Waleffe in "Paraboles pour aujourd'hui"
Comparer certaines personnes à l'animal est une insulte pour l'animal.
Mikhaïl Na'imé
Un maître voyageait avec un disciple chargé de s'occuper du chameau. Le soir, en arrivant à l'auberge, le disciple était tellement fatigué qu'il n'attacha pas l'animal.
- Mon Dieu, pria-t-il en se couchant, prends-en soin, je te le confie.
Le lendemain matin, le chameau ayant disparu, la maître voulut savoir où il se trouvait.
- Je l'ignore, répondit le disciple, il faut interroger Allah! Hier soir, j'étais fatigué et lui ai confié notre monture. Ce n'est pas ma faute si ce chameau s'est enfui ou a été volé. J'ai très explicitement demandé à Dieu de la surveiller. C'est lui le responsable. Ne nous avez-vous pas souvent exhortés à faire confiance à Allah?
- Aie confiance en Allah, mais entrave d'abord ton chameau, répondit le maître. Car Dieu n'a d'autres mains que les tiennes.
Parabole de l'Islam
Le silence de la nuit
Quelque part en Arabie, un maître et son disciple marchaient à pas lents sur une terrasse, au milieu de la nuit.
Soudain le disciple dit à mi-voix:
- Quel silence...
- Ne dis pas: "Quel silence", lui conseilla le maître. Dis: "Je n'entends rien".
in "Le Cercle des Menteurs"
L'Amant véritable
C'était un homme droit, un amant véritable. Un jour, après avoir médité une pleine année dans une grotte du désert, il s'en alla frapper à la porte de sa bien-aimée. Derrière la porte close il entendit sa voix. Elle demande:
- "Qui est là?"
- "C'est moi", dit l'homme sur le seuil.
- "Il n'y a pas de place pour toi et moi dans la même maison", répondit la voix de sa bien-aimée, derrière la porte close.
Alors cet homme droit, cet amant véritable s'en retourna au désert où une pleine année encore il médita. Quand enfin il revint frapper à la même porte, à nouveau il entendit la voix de sa bien-aimée. A nouveau elle demanda:
-"Qui est là?"
Cette fois l'homme répondit:
- "C'est toi-même"
Et la porte s'ouvrit.
in "L'Arbre d'Amour et de Sagesse"
Ce soir à Samarkand
Un matin, le khalife d'une grande ville vit accourir son premier vizir dans un état de vive agitation. Il demanda les raisons de cette apparente inquiétude et le vizir lui dit:
- Je t'en supplie, laisse-moi quitter la ville aujourd'hui même.
- Pourquoi?
- Ce matin, en traversant la place pour venir au palais, je me suis senti heurté à l'épaule. Je me retournai et vis la mort qui me regardait fixement.
- La mort?
- Oui, la mort. Je l'ai bien reconnue, toute drapée de noir avec une écharpe rouge. Elle est ici, et elle me regardait pour me faire peur. Car elle me cherche, j'en suis sûr. Laisse-moi quitter la ville à l'instant même. Je prendrai mon meilleur cheval et je peux arriver ce soir à Samarkand.
Etait-ce vraiment la mort? En es-tu sûr?
- Totalement sûr. Je l'ai vu comme je te vois. Je suis sûr que tu es toi et je suis sûr qu'elle était elle. Laisse-moi partir, je te le demande.
Le khalife, qui avait de l'affection pour son vizir, le laissa partir. L'homme revint à sa demeure, sella le premier de ses chevaux et franchit au galop une des portes de la ville, en direction de Samarkand.
Un moment plus tard, le khalife, qu'une pensée secrète tourmentait, décida de se déguiser, comme il le faisait quelquefois, et de sortir de son palais. Tout seul, il se rendit sur la grande place au milieu des bruits du marché, il chercha la mort des yeux et il l'aperçut, il la reconnut. Le vizir ne s'était aucunement trompé. Il s'agissait bien de la mort, haute et maigre, de noir habillée, le visage à demi dissimulé sous une écharpe de coton rouge. Elle allait d'un groupe à l'autre dans le marché sans qu'on la remarquât, effleurant du doigt l'épaule d'un homme, touchant le bras d'une femme chargée de menthe, évitant un enfant qui courait vers elle.
Le khalife se dirigea vers la mort. Celle-ci le reconnut immédiatement, malgré son déguisement, et s'inclina en signe de respect.
- J'ai une question à te poser, lui dit le khalife, à voix basse.
- Je t'écoute.
- Mon premier vizir est un homme encore jeune, en pleine santé,
efficace et probablement honnête. Pourquoi ce matin, alors qu'il venait au palais,
l'as-tu heurté et effrayé? Pourquoi l'as-tu regardé d'un air menaçant?
La mort parut légèrement surprise et répondit au khalife:
- Je ne voulais pas l'effrayer. Je ne l'ai pas regardé d'un air menaçant.
Simplement, quand nous nous sommes heurtés par hasard dans la foule
et que je l'ai reconnu, je n'ai pas pu cacher mon étonnement, qu'il a dû prendre
pour une menace.
- Pourquoi cet étonnement? demanda le khalife.
- Parce que, répondit la mort, je ne m'attendais pas à le voir ici.
J'ai rendez-vous avec lui ce soir à Samarkand.
in "Le Cercle des Menteurs"